Correspondance inédite de Hector Berlioz/104

Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 277-278).
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CIV.

AU MÊME.


Paris, mardi matin 5 mars [1861].

Cher ami,

J’ai vu hier le général Mellinet : il va écrire pour toi à l’amiral de La Roncière, je lui remettrai demain une note qu’il m’a demandée à ce sujet.

On est très ému dans notre monde musical du scandale que va produire la représentation du Tannhäuser ; je ne vois que des gens furieux ; le ministre est sorti l’autre jour de la répétition dans un état de colère !… L’empereur n’est pas content ; et pourtant il y a quelques enthousiastes de bonne foi, même parmi les Français. Wagner est évidemment fou. Il mourra comme Jullien est mort l’an dernier, d’un transport au cerveau. Liszt n’est pas venu, il ne sera pas à la première représentation ; il semble pressentir une catastrophe. Il y a, pour cet opéra en trois actes, 160,000 francs de dépensés à l’heure qu’il est. Enfin, c’est vendredi que nous verrons cela.

Comme je te l’ai dit, je ne ferai pas l’article là-dessus, je le laisse faire par d’Ortigue. Je veux protester par mon silence, quitte à me prononcer plus tard si l’on m’y pousse. On parle vaguement des Troyens, dans le monde officiel ; on va, dit-on, s’en occuper… Je ne sais rien de positif, nous allons voir.