Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 9013

9013. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 30 décembre.

Madame, le roi de Prusse me fait l’honneur de me mander, du 10 décembre, que votre armée a battu celle du grand vizir, et que Silistrie est prise. Il ajoute que le grand vizir s’est enfui à Andrinople avec le grand étendard de Mahomet.

Je suppose qu’un roi n’est jamais trompé quand il écrit des nouvelles ; et, dans cette supposition, je suis près de mourir de joie, au lieu de mourir de vieillesse, comme on me l’annonçait tout à l’heure avant que je reçusse la lettre du roi de Prusse.

Mort ou vif, il est bien fâcheux d’être si loin des merveilles de votre règne, et M. Diderot est un heureux homme ; mais aussi il mérite son bonheur. Pour moi, j’expire dans le désespoir de n’avoir pu voir mon héroïne, qui sera celle du monde entier, et de n’avoir pu lui présenter mon très-profond et très-inutile respect.