Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8973
Si, dans le fracas de ces fêtes, mon cher ange a un quart d’heure de loisir, je lui envoie un rogaton[1] pour passer ce quart d’heure. Il convient, ce me semble, à un ministre pacifique.
Je ne sais s’il a lu la Tactique de M. Guibert[2], ou du moins le discours préliminaire. Ce livre est plein de grandes idées, comme sa tragédie du Connétable de Bourbon est pleine de beaux vers. J’ai eu l’auteur chez moi ; je ne sais s’il sera un Corneille ou un Turenne, mais il me paraît fait pour le grand, en quelque genre qu’il travaille.
Oserai-je vous prier de lui faire parvenir une copie de la satire ou de l’éloge que je viens de faire[3] de son métier de la guerre ? Vous saurez aisément sa demeure. Il n’est pas juste qu’il soit des derniers à voir cette petite plaisanterie, qui le regarde si personnellement ; et vous me pardonnerez aisément la liberté que je prends avec vous.
J’en prends encore une autre, c’est de vous prier d’engager Lekain à jouer à Paris la Sophonisbe qui n’est ni de Mairet ni de Corneille. Il me doit, ce me semble, ses bons offices dans cette petite affaire.
Après ces deux requêtes, je vous en présente une troisième bien plus importante : c’est de me mander comment se porte Mme d’Argental.
Souvenez-vous, mon cher ange, du vieux malade de Ferney, qui n’est pas encore tout à fait mort.