Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8962

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 486-487).
8962. — À M. MARIN[1].
25 octobre.

Je vous avoue, mon cher monsieur, que je n’avais pas pensé qu’un service d’ami pût avoir des conséquences si désagréables. Il me paraît que l’affaire de Mme Goezmann et de M. de Beaumarchais ne devait vous compromettre en aucune façon, ni vous ni M. d’Arnaud. Voilà la première fois qu’on a été inquiété pour avoir voulu apaiser une querelle et étouffer un procès.

Je pense que rien n’est plus étranger à ce procès que les deux incidents qu’on appelle épisodes. Le véritable fond de l’affaire est précisément ce qu’on ne dit pas dans les mémoires, ce qu’on fait soupçonner à tout le public, et ce qui ne regarde nullement, à mon gré, ni vous ni M. d’Arnaud.

Je trouve que M. de Beaumarchais pouvait se passer de vous compromettre tous deux.

Je suis très-affligé de cette tracasserie qu’on vous fait de gaieté de cœur. J’en suis fâché pour Lépine, qui me paraît un honnête homme, et qui est fort utile aux manufactures de montres que j’ai établies à Ferney. Il m’a paru sage, laborieux et pacifique. S’il pouvait contribuer à étouffer cette affaire, je crois que ce serait une très-bonne action.

Je vous prie de ne me laisser rien ignorer de toute cette aventure. Vous savez combien je m’intéresse à tout ce qui vous touche. J’ose dire que je m’intéresse aussi à la gloire du parlement de Paris, qui est attaquée dans le sujet de la pièce dont vous faites un épisode.

On m’a mandé que les Du Jonquay avaient osé présenter requête au conseil contre l’arrêt du parlement qui les condamne à des peines trop douces. Cette démarche me paraît aussi étrange pour le moins que cet épisode qui vous compromet dans une cause qui vous est absolument étrangère. Adieu, mon cher ami, je vous suis aussi attaché que je vous suis inutile.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.