Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8917

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 446-447).
8917. — À M. L’ABBÉ MIGNOT.
29 auguste.

Vous sentez, mon cher ami, que le déchaînement d’une faction nombreuse en faveur des Du Jonquay a été produit principalement par l’horreur que l’administration nécessaire de la police inspire à la basse bourgeoisie de Paris. Les ennemis du gouvernement et les vôtres se sont joints à cette multitude. On s’est imaginé que M. de Morangiés était protégé par la cour, et, sur cela seul, bien des gens l’ont jugé coupable. On revient enfin de cette monstrueuse idée. Toute la noblesse de France, qui avait été longtemps en suspens, commence à prendre fait et cause pour M. de Morangiés.

Si les faits allégués par Linguet sont vrais, comme il n’est guère permis d’en douter, il est démontré que M. de Morangiés est innocent, et qu’il est opprimé par la plus insolente et la plus artificieuse canaille qu’on ait vue depuis les convulsions.

Le roi a senti tout le ridicule et toute l’horreur du roman des cent mille écus portés à pied en treize voyages. M. Pigeon n’a pas eu autant de bon sens que le roi.

Si quelques esprits du parlement sont encore préoccupés, quel homme est plus capable que vous de les éclairer ? Je suis attaché dès mon enfance à la maison de Morangiés ; mais je ne prends son parti que parce que je suis attaché mille fois davantage à la vérité. Je ne vous sollicite point ; je vous dis seulement : Voyez, je m’en rapporte à vous.

Si on pouvait espérer de ramener d’Hornoy à ses vrais intérêts, je me joindrais à vous ; je ferais le voyage, tout mourant que je suis. On pourrait lui procurer un établissement bien honorable ; mais je vous embrasse de tout mon cœur.