Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8880
Je reçois votre lettre du 30 juin, mon cher élève de Pindare et de Théocrite. Vous allez donc être des fêtes de Versailles[1] au mois de novembre ! Vous allez prodiguer tout l’esprit et toute l’harmonie de la Grèce ; la gloire et les plaisirs vont vous suivre ; monsieur votre frère, de son côté, va donner son Horace. Il faut avouer que vous rassemblez chez vous bonne compagnie.
Je suis bien flatté du souvenir de M. de Chamilly. Je suppose qu’en envoyant à M. d’Ogny vos neuf louis, vous étiez sûr qu’il voudrait bien avoir la bonté de s’en charger, et qu’il en était convenu avec M. de Chamilly, sans quoi je craindrais qu’il ne fut un peu étonné de cette commission. Il est le seul protecteur de notre colonie, et sans lui elle aurait été perdue.
Nous sommes en faute, Mme Denis et moi. Nous ne nous souvenions point du tout des deux petites statues[2] ; nous en demandons bien pardon à M. de Chamilly. Je suis excusable d’avoir perdu, dans ma vieillesse décrépite, la mémoire avec la santé ; mais Mme Denis, qui est grasse comme une abbesse, et qui se porte bien, est inexcusable. Nous allons réparer notre tort dans l’instant ; nous écrivons au sculpteur du village qu’il fasse deux statues excellentes, et qu’il les fasse vite. Il en fait une en six semaines. Je ne sais s’il en a de commande ; mais nous lui demandons la préférence pour M. de Chamilly.
Nous avons à Ferney votre ami M. de La Borde et monsieur son frère, qui s’en vont en Italie, et qui reviendront pour le mariage de monseigneur le comte d’Artois, pour votre opéra. Pour moi, qui ai renoncé au plaisir, je ne vous applaudirai que de loin, mais je n’en serai pas moins sensible à tous les succès de votre famille.
Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse bien tendrement.