Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8755

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 296).
8755. — À M. MARMONTEL[1].
1er février.

Mon cher ami, il me semble que vos bontés pour moi et celles de vos amis aient aigri encore la canaille de la littérature. Je ne sais quel fripon faisant des vers a pu attraper une copie très-informe des Lois de Minos, et, y ayant ajouté beaucoup de traits de sa façon, a vendu le tout à un autre fripon de libraire nommé Valade, qui débite impudemment cette édition sans approbation ni privilège, malgré toutes les lois de la Crète et de Paris. On me regarde comme un homme mort, dont on vend les habits à la friperie, après les avoir gâtés.

J’ignore si M. de Sartines souffrira ce brigandage. Fréron va bien triompher, et la racaille va bien se déchaîner. Les honnêtes gens ne sauront rien de la vérité ; votre vieil ami sera conspué : il ne s’en soucie que très-médiocrement ; mais c’est de votre amitié et de votre estime qu’il se soucie beaucoup.

Je présente mes hommages à l’héroïne de la tragédie[2] avec qui vous avez le bonheur de demeurer.

Je vous embrasse tous deux à la fois de tout mon cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Mlle Clairon.