Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8726

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 266-267).
8726. — À M. D’ALEMBERT.
4 janvier.

J’ai découvert, mon cher ami, que l’auteur du discours pour les prix de l’université s’appelle Belleguier, ancien avocat dans je ne sais plus quelle classe du parlement. Son style m’a paru médiocre, mais tous les faits qu’il rapporte sont si vrais et si incontestables que je tremble pour lui.

Souvenez-vous, dans l’occasion, de l’avocat Belleguier, et ne vous moquez pas trop de l’université, de peur qu’elle ne se rétracte.

La belle Catau m’a envoyé copie de la lettre qu’elle vous a répondue. J’aurais voulu qu’elle y eût joint la vôtre. Vous voyez qu’elle est une bonne philosophe, et qu’elle est bien loin d’envoyer en Sibérie des étourdis de Welches qui sont venus faire le coup de pistolet pour l’honneur des dames dans un pays dont ils n’avaient nulle idée. Vous verrez qu’elle finira par les faire venir à sa cour, et par leur donner des fêtes, à moins qu’on n’envoie encore de nouveaux don Quichottes pour conquérir l’aimable royaume de Pologne. Pour moi, j’imagine que tout se traitera paisiblement d’un bout de l’Europe à l’autre, et même qu’on payera nos rentes.

Je suppose que je dois une réponse à M. de Concordet ; il ne signe point, et je prends quelquefois son écriture pour une autre. Cette méprise même m’est arrivée avec vous, mon cher philosophe. Je crois qu’il faudrait avoir l’attention de mettre au bas de ce qu’on écrit la première lettre de son nom, ou quelque autre monogramme, pour le soulagement de ceux qui ont mal aux yeux comme moi. Par exemple, je signe Raton ; et Raton aime Bertrand de tout son cœur.