Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8664

8664. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE MEYNIÈRES[1].
À Ferney, 30 octobre.

Oui, madame, j’ai osé écrire à Horace, et je n’ose vous envoyer mon épître : la raison en est qu’elle n’est point finie. Ce n’est qu’une esquisse sur laquelle j’ai consulté M. d’Argental : car il faut toujours consulter, dans les choses mêmes où l’on croit avoir raison. Je devrais vous consulter plus que personne ; mais vous m’intimideriez par ces trois lignes que je trouve dans votre lettre. Les voici :

« Je crois que l’on blasphème, lorsqu’on assure que vous avez heurté par distraction des vérités, des maximes que vous avez enseignées. »

Vous m’avouerez, madame, que pour m’inspirer une pleine confiance, vous devriez bien commencer par me confier ces accusations terribles dont je ne me sens point du tout coupable. Il faut dans les traités que la bonne foi soit réciproque : dites-moi hardiment ce que vous avez sur le cœur, et je vous répondrai de même. Si je suis assez téméraire pour n’être pas de votre avis, ce sera en vous estimant et en vous respectant de toute mon âme. Il y a longtemps que ces sentiments sont gravés dans mon cœur, et rien ne les effacera.

J’en dis autant à M. le président de Meynières.

Le vieux Malade de Ferney.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.