Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8626

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 171).
8626. — À M. HENNIN.
À Ferney, 13 septembre.

Je vous renvoie, monsieur, avec mille remerciements, la Relation de Stockholm[1]. On m’en a envoyé de Versailles un exemplaire que je conserverai toute ma vie, comme un monument de la plus noble fermeté et de la plus haute sagesse.

Il n’en sera pas de même de la Lettre de cet abbé Pinzo[2]. Je ne sais si cet extravagant est à Paris. Il n’est pas vraisemblable qu’un Italien ait écrit une telle lettre en français. Ce qui est bien sûr, c’est qu’une telle lettre est l’abominable production d’un fou furieux qui doit être enchaîné ; c’est d’ailleurs une plate imitation des Vous et des Tu[3].

J’ignore s’il y a en Savoie quelque barbare assez sot pour avoir envoyé cette lettre au pape, et assez dépourvu de sens et de goût pour me l’imputer ; mais je suis sûr que le pape a trop d’esprit pour me croire capable d’une si horrible platitude. Il y a des calomnies qui sont dangereuses quand elles sont faites avec art ; mais les impostures absurdes ne réussissent jamais. Il faut en tout pays laisser parler la canaille ; il vaudrait mieux qu’elle ne parlât pas, mais on ne peut lui arracher la langue.

On débite à Paris des sottises plus étranges. J’en ai reçu par la poste. Il en faut toujours revenir au mot du cardinal Mazarin : Laissons-les dire, et qu’ils nous laissent faire.

Mes très-humbles respects.

  1. Voyez la note, page 169.
  2. Voyez une note sur la lettre 8219.
  3. Voyez tome X, page 269 ; les tu et les vous sont alternativement employés dans la Lettre de l’abbé Pinzo.