Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8219
Le diable se fourre partout depuis longtemps. Si on vous a imputé des vers contre M. le maréchal de Richelieu, on m’attribue une lettre au pape[1]. On veut vous faire arrêter, et on veut m’excommunier : personne n’est en sûreté ni dans cette vie, ni dans l’autre ; il suffit d’avoir de la réputation pour être persécuté et damné. Il faut se soumettre à tous les ordres de la Providence. Nous lui devons des remerciements, puisqu’elle vous a choisi pour punir maître Aliboron, dit Fréron. Le Mercure, en effet, est devenu le seul journal de France, grâce à vos soins. L’âne d’Apulée[2] mangeait des roses, l’âne de Fréron s’enivre, chacun se console à sa façon : je plains seulement son cabaretier. À l’égard du libraire[3] qui faisait la litière d’Aliboron, il ne risque rien ; il lui restera toujours le Journal chrétien, avec lequel on fait son salut, si on ne fait pas sa fortune.
On dit que Gentil Bernard a perdu la mémoire ; il a pourtant pour mère une des filles de Mémoire, et il doit avoir du crédit dans la famille.
Est-il vrai que M. de Mairan se dégoûte de son âge de quatre-vingt-treize ans, et qu’il veuille aller trouver Fontenelle ? Pour moi, j’irai bientôt trouver Pellegrin, Danchet, et le barbare Crébillon. En attendant, je vous embrasse de tout mon cœur.
- ↑ C’est sans doute la Lettre de l’abbé Pinzo au surnommé Clément XIV, son ancien camarade de collège, qui l’a condamné à une prison perpétuelle, etc. C’est la première fois qu’il est question de cette pièce, qui a été imprimée dans le tome IX de l’Évangile du jour, et dont Voltaire reparle dans sa lettre à Condorcet, du 1er septembre 1772.
- ↑ Apulée est auteur de l’Ane d’or.
- ↑ Panckoucke ; voyez tome XLIII, page 224.