Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8433

Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 566-567).
8433. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
À Ferney, 7 décembre.

C’est pour dire à mes anges que la montre à répétition part aujourd’hui à l’adresse de M. de Richebourg. Voilà vos cinq montres arrivées. Il faudra peut-être passer quelques jours à les régler ; mais elles sont bonnes et à bon marché. S’il y en a une pour M. de Thibouville, il faudra qu’il ait la bonté de la payer. Il est arrivé un malheur à mes pauvres artistes ; ils ont besoin d’être remboursés de leurs avances. Pardon.

Le roi de Pologne fut donc assassiné le 3 novembre, et le roi de Prusse m’envoie un poëme héroï-comique sur les confédérés[2] du 18 du même mois ; et quel poëme ! Cela est aussi extraordinaire que la scène de Kosinski, mais pas si touchant. Monsieur le premier président de Toulouse[3] a la bonté de me mander qu’il a voulu présider lui-même à la Tournelle pour juger enfin Sirven. On lui a rendu la jouissance de ses revenus, saisis pendant huit ans de contumace ; ce qui est sans exemple, on lui a adjugé des dépens considérables. Cet arrêt semble une amende honorable à la cendre des Calas : point du tout ; vous allez être bien ébahis : le premier président m’écrit qu’il lui est démontré que tous les Calas étaient coupables aussi bien que Lavaysse, et qu’ils ne furent épargnés que par considération pour Lavaysse le père, qui était ami de la plupart de messieurs. Eh bien ! mes anges, n’êtes-vous pas ébahis, comme je vous le disais ?

Vous êtes surpris que j’écrive de ma main ; c’est que nous n’avons point de neiges sans cela je serais aveugle. Je ne suis que mourant ; mais ce ne sera rien, et je suis sous vos ailes.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La Pologniade.
  3. Bastard.