Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8391

Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 531-532).
8391. — À M. THIERIOT.
À Ferney, 20 octobre.

J’ai bien vu, mon ancien ami, que vos sentiments pour moi ne sont point affaiblis, puisque vous m’avez envoyé M. Bacon. C’est un homme qui pense comme il faut, et qui me paraît avoir autant de goût que de simplicité. Il serait à souhaiter que tous les procureurs généraux eussent été aussi humains et aussi honnêtes que leur subtitut.

Il m’apprend que vous avez encore changé de logement, et que vous êtes dans une situation assez agréable. Vivez et jouissez. Vous approchez de la soixante-dixième, et moi de la soixante-dix-huitième. Voilà le temps de songer bien sérieusement à la conservation du reste de son être, de se prescrire un bon régime, et de se faire des plaisirs faciles qui ne laissent après eux aucune peine. Je tâche d’en user ainsi. J’aurais voulu partager cette petite philosophie avec vous, mais ma destinée veut que je meure à Ferney. J’y ai établi une colonie d’artistes, qui a besoin de ma présence. C’est une grande consolation que de rendre ses derniers jours utiles, et ce plaisir tient lieu de tous les plaisirs.

Adieu ; portez-vous bien, et conservez-moi une amitié dont je sens le charme aussi vivement que si je n’avais que trente ans.