Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8366

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 508).
8366. — À M. MILLE[1].
À Ferney, le 13 septembre.

Un vieux malade demi-bourguignon a reçu, monsieur, avec un extrême plaisir, votre Histoire de Bourgogne, et vous en remercie avec autant de reconnaissance. Mes remerciements tombent d’abord sur votre dissertation contre dom Titrier[2], que je viens de lire. Il serait bien à désirer que toutes ces usurpations, qui ne sont que trop prouvées, fussent enfin rendues à l’État. Dom Titrier a travaillé dans toutes les provinces de l’Europe, et particulièrement dans la Franche-Comté, où nous plaidons actuellement contre lui. Ses titres n’étant pas de droit humain, il prétend qu’ils sont de droit divin ; mais nous sommes assurés qu’ils sont de droit diabolique, et nous espérons que le diable en habit de moine ne gagnera pas toujours sa cause.

J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Antoine-Étienne Mille, avocat au parlement de Paris, né à Dijon le 1er décembre 1735, mort on ne sait en quelle année, avait envoyé à Voltaire les deux premiers volumes de son Abrégé chronologique de l’Histoire de Bourgogne, 1771, deux volumes in-8° (un troisième vit le jour en 1773).
  2. Mille ayant attaqué l’authenticité d’une charte de Clovis Ier accordant des privilèges au monastère de Moutier-Saint-Jean, le bénédictin fr. Merle en prit la défense par une lettre du 14 mars 1771, à laquelle Mille répondit le 1er avril. Ces deux pièces sont dans les préliminaires du tome II de l’Abrégé chronologique. Mille y rapporte une épigramme sur une querelle d’un Normand qui, ayant procès contre des moines de Saint-Benoît, fabrique à grand soin un vieux titre.

    Chef-d’œuvre il fait, produit son titre aux pères.
    Dom Titrier pour vrai le reconnoît ;
    Mais pour huitaine en promet deux contraires.