Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8269

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 414-415).
8209. — À M. D’ALEMBERT.
27 avril.

Je ne sais pas ce qui arrivera, mon cher ami ; mais goûtons toujours le plaisir d’avoir vu chasser les jésuites, et d’avoir vu ensuite casser les assassins. Et ego in interitu vestro ridebo vos, et subsannabo, dit la Sainte Écriture[1].

J’avais envoyé à la chambre syndicale, avec laquelle je n’ai pas grand commerce, trois volumes d’un livre nouveau qui m’est venu de Hollande, intitulé Questions sur l’Encyclopédie, adressés à M. Briasson, pour les remettre à M. le marquis de Condorcet. Je ne sais si M. Briasson m’a rendu ce petit service ; cela pouvait passer pourtant pour ma dernière volonté, car j’ai été très-malade. Je crois avoir perdu entièrement les yeux, et je serai aveugle jusqu’à ce que je sois mort tout à fait.

Je viens de voir ou plutôt de me faire lire, dans le Journal encyclopédique, l’épître au roi de Danemark, non pas telle que vous l’avez, mais telle que je l’ai envoyée à ce monarque, avec un petit bout de lettre[2] qui accompagnait l’envoi. Cela vient sûrement de Copenhague ; le mal est très-médiocre.

Pourriez-vous me dire quel est l’auteur d’un éloge de l’abbé Trublet, qui est dans le même Journal encyclopédique d’avril ? Ce journal-là ne vaut pas le Dictionnaire encyclopédique.

Savez-vous qu’on a déjà imprimé quatre tomes du Dictionnaire d’Yverdun, où il y a plusieurs articles de M. de Lalande qui paraissent à la lettre A ? Mon état ne m’a pas permis de les lire.

Voudriez-vous bien avoir la bonté de me mander si on a imprimé à Paris un recueil des ouvrages de M. de Mairan ?

Je voulais écrire aujourd’hui à M. de Saint-Lambert, mais je ne sais si ma faiblesse me le permettra.

Adieu, mon très-cher philosophe ; j’ai bien peur que la philosophie n’ait pas plus beau jeu que l’ancien parlement de Paris. Les adeptes font fort bien de se tenir tranquilles. Vous savez que j’applaudis au choix qu’on a fait de M. l’abbé Arnaud. Si ce n’est pas à moi que l’abbé Delille succède quelque jour, j’applaudirai aussi, car j’aime toujours les vers ; on meurt comme on a vécu.

  1. Proverbes, chapitre i, v. 26.
  2. La lettre 8178.