Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8241

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 385).
8241. — À M. LE COMTE DE SCHOMBERG.
13 mars.

Le vieux malade, que ses fluxions ont rendu aveugle, remercie bien tendrement son cher et respectable inspecteur de son souvenir.

Je n’ai point lu les Remontrances de la cour des aides[1], et je n’entends point pourquoi la cour des aides se mêle des conseils souverains que le roi juge à propos de créer dans son royaume pour le soulagement de ses peuples ; mais puisqu’elles sont si bien écrites, je suis curieux de les voir comme pièce d’éloquence, et non pas comme affaire d’État. Si vous pouvez, monsieur, avoir la bonté de me les faire parvenir contre-signées du nom de monseigneur le duc d’Orléans, je vous serai très-obligé ; si cela fait la moindre difficulté, je retire ma très-humble prière. Quand je verrai des remontrances qui opéreront le payement de nos rentes, je serai fort content ; jusque-là je ne vois que des phrases inutiles. L’oraison de Cicéron pro lege Manilia fit donner le commandement d’Asie à Pompée. Toutes les belles harangues de Messieurs n’ont produit, depuis François Ier, que des lettres de cachet. Il aurait bien mieux valu ne se point baigner dans le sang du chevalier de La Barre et du comte de Lally.

Votre héros, le prince Adolphe, devenu roi[2], n’honorera point Ferney de sa présence. J’aurais été assez embarrassé de le recevoir dans l’état où je suis. Je n’ai qu’un souffle de vie ; mais, tant que je respirerai, ce sera, monsieur, pour vous aimer et pour vous respecter.

  1. Voyez la note 2, page 383.
  2. Sous le nom de Gustave III ; voyez page 384.