Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8234

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 375-376).
8234. — À M. LE MARQUIS D’OSSUN[1].
6 mars 1771, à Ferney.

Monsieur, Votre Excellence a porté bonheur à ma petite colonie, et je me flatte qu’elle subsistera par votre protection, quoiqu’elle ait perdu son bienfaiteur, M. le duc de Choiseul. C’est toujours une grande faveur que vous ayez daigné faire accepter la montre par M. le comte d’Aranda ; je vous en remercie avec la plus vive reconnaissance. Mes artistes m’ont pressé de prendre encore une liberté auprès de vous : c’est de prier M. d’Ogny de mettre à votre adresse, par le premier courrier extraordinaire, une caisse de montres que je vous supplierai de faire parvenir à M. Camps. J’ai peut-être manqué à l’étiquette d’Espagne : les souverains du Nord m’ont gâté ; l’impératrice de Russie m’a demandé pour vingt mille livres de montres de ma colonie, et m’a écrit sur cela une lettre dans le goût de Mme de Sévigné. Apparemment qu’elle veut faire des présents aux Turcs quand elle leur aura bien voulu accorder la paix.

Votre Excellence sait que M. le duc de Choiseul, votre ami, est toujours à Chanteloup, honoré et estimé de la nation.

Les princes de Suède, qui plaisent également à Versailles et à Paris et qui ont banni absolument toute cérémonie, viendront voir la simplicité de notre Suisse vers Pâques[2], après n’avoir point été éblouis de la magnificence de nos villes.

Je vous supplie, monsieur, d’agréer avec votre bonté ordinaire la reconnaissance et le respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La mort du roi de Suède les rappela en ce moment même dans leur patrie.