Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8148

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 305-306).
8148. — À M. PHILIPPON[1].
28 décembre.

Monsieur, vous m’avez envoyé un ouvrage[2] dicté par l’humanité et par l’éloquence. On n’a jamais mieux prouvé que les juges doivent commencer par être hommes, que les supplices des méchants doivent être utiles à la société, et qu’un pendu n’est bon à rien. Il est vrai que les assassinats prémédités, les parricides, les incendiaires, méritent une mort dont l’appareil soit effroyable. J’aurais condamné, sans regrets, Ravaillac à être . écartelé ; mais je n’aurais pas livré au même supplice celui qui n’aurait voulu ni pu donner la mort à son prince, et qui aurait été évidemment fou. Il me paraît diabolique d’avoir arquebusé loyalement l’amiral Byng pour n’avoir pas fait tuer assez de Français. La mort de la maréchale d’Ancre, du maréchal de Marillac, du chevalier de La Barre, du général Lally, me paraissent… ce qu’elles vous paraissent.

Je me sens le très-obligé de quiconque écrit en citoyen : ainsi, monsieur, je vous ai plus d’obligation qu’à personne. J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Louis Philippon de La Madelaine, né à Lyon en octobre 1734, avocat du roi au bureau des finances à Besançon en 1770, est mort à Paris le 19 avril 1818 ; auteur de quelques pièces de théâtre et d’autres ouvrages.
  2. M. Philippon avait envoyé à M. de Voltaire son Discours sur la nécessité et les moyens de supprimer les peines capitales : 1770, in-8° de soixante pages. (K.)