Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8137

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 296-297).
8137. — À M. D’ALEMBERT.
21 décembre.

Cher et digne philosophe, c’est pour vous dire que je fais part à Thomas de la petite menace de l’infulatus de province. Je souhaite que cet auteur des Fétiches, petit persécuteur nasillonneur, n’ait point la place due aux La Harpe, aux Delille, aux Capperonnier, à Marin même, qui peut rendre des services aux gens de lettres ; mais tâchez que MM. Duclos, Thomas, Marmontel, Saurin, Voisenon, gardent le secret. J’ai écrit à M. d’Argental[1], et l’ai prié de parler à Foncemagne, comme je vous l’ai mandé ; et même j’écrirai encore[2]. Je crains bien que l’infulatus ne le sache, et ne me joue un mauvais tour ; mais il faut savoir mourir pour la liberté. C’est une petite douceur de voir les assassins du chevalier de La Barre humiliés ; mais n’importe par qui nous soyons écrasés, nous le serons toujours.

Frédéric m’a écrit des vers à faire mourir de rire, de la part du roi de la Chine[3].

Je vous prie de me mander ce que vous savez du roi de Danemark. Puisque je suis en train de vous parler de rois, je vous avoue que Catau me néglige fort, et que le Grand Turc ne m’a pas écrit un mot ; vous voyez que je ne suis pas glorieux.

Je vous prie, mon très-cher ami, quand vous n’aurez rien à faire, de m’écrire tout avec toute la liberté de votre sublime caractère. Envoyez vos lettres (et pour cause) chez Marin, secrétaire de la librairie, rue des Filles-Saint-Thomas, et mettez simplement pour adresse : À V., à Ferney.

  1. Voyez lettre 8129.
  2. Cette seconde lettre n’a pas été écrite, ou du moins elle manque.
  3. Voyez la note 2, tome X, page 412 ; et ci-dessus, la lettre 8106.