Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8061

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 232-233).
8061. — À M. DE POMARET[1].
Ferney, 24 octobre.

Je savais bien, monsieur, que vous faisiez de très-bonne prose, et je suis d’autant plus aise que vous fassiez des vers que je ne puis plus en faire. Ma vieillesse et mes maladies m’ont tout enlevé, hors cet amour pour la tolérance dont vous me parlez ; ma passion n’est pas malheureuse. J’ai chez moi actuellement deux cents protestants de Genève, avec lesquels mes catholiques vivent comme des frères.

Il est vrai que la ville de Versoy, dans laquelle on doit avoir liberté de commerce et de conscience, n’a pas été commencée au mois de mai comme je l’espérais ; mais du moins les rues en sont tracées ; tout le terrain est acheté, et le port est presque fini. Ainsi, vous et vos amis, vous pouvez absolument compter sur ce que j’avais l’honneur de vous mander. La première pierre qui sera posée à cette ville sera la plus heureuse époque de ma vie, que je finirai sans regret, quoiqu’au milieu des souffrances.

J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.