Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8046

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 220).
8046. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET[1].
11 octobre.

Le vieux malade de Ferney embrasse de ses deux maigres bras les deux voyageurs[2] philosophes qui ont adouci ses maux pendant quinze jours.

Un grand courtisan[3] m’a envoyé une singulière réfutation du Système de la Nature, dans laquelle il dit que la nouvelle philosophie amènera une révolution horrible, si on ne la prévient pas. Tous ces cris s’évanouiront, et la philosophie restera. Au bout du compte, elle est la consolatrice de la vie, et son contraire en est le poison. Laissez faire, il est impossible d’empêcher de penser ; et plus on pensera, moins les hommes seront malheureux. Vous verrez de beaux jours ; vous les ferez : cette idée égaye la fin des miens.

Agréez, messieurs, les regrets de l’oncle et de la nièce.

  1. Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, né le 17 septembre 1743, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, s’empoisonna dans la prison de Sceaux le 27 mars 1794. Il a été l’un des éditeurs des Œuvres de Voltaire imprimées à Kehl en soixante-dix volumes in-8° ou quatre-vingt-douze volumes in-12.
  2. Condorcet et d’Alembert ; voyez lettre 8031.
  3. Le marquis de Voyer d’Argenson ; voyez lettre 8049.