Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7947

7947. — À M. DESPRÉS,
architecte et professeur de dessin à l’école militaire.
À Ferney, le 6 juillet.

Si je n’avais point essuyé, monsieur, un violent accès d’une maladie à laquelle ma vieillesse est sujette, je vous aurais assurément remercié plus tôt de l’honneur que vous me faites.

M. Pigalle était prêt à partir de ma petite retraite lorsque votre beau présent arriva[1]. Ce grand artiste lui donna l’approbation la plus complète ; M. Hennin, résident de France à Genève, un des meilleurs connaisseurs que nous ayons, en fut enchanté, et moi j’eus la vanité de vouloir être enterré au plus vite dans ce beau monument. Je me flatte pourtant que vous vous occuperez plus à loger les vivants que les morts : je suis un peu architecte aussi, j’ai bâti la maison dans laquelle je finis mes jours. Je voudrais vous voir construire une salle de spectacle ou un hôtel de ville ; alors j’aurais autant d’envie de vous aller féliciter à Paris que j’en ai d’être éloigné d’une ville où tout un peuple s’écrase et se tue pour aller voir des bouts de chandelles sur un rempart[2].

J’ai l’honneur d’être avec toute l’estime et la reconnaissance que je vous dois, etc.

  1. Després avait dédié à Voltaire son Projet d’un Temple funéraire destiné à honorer les cendres des rois et des grands hommes, ouvrage couronné, en 1766, par l’Académie d’architecture.
  2. Le 30 mai 1770, aux fêtes pour le mariage du dauphin (depuis Louis XVI.)