Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7795

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 570-571).
7795. — À M. PANCKOUCKE.
21 février.

Consolez-vous, monsieur ; il est impossible que les captifs qui sont a Alger[1] ne soient pas délivrés par les mathurins quand le temps sera favorable : puisqu’on a rendu les premiers, on rendra les seconds ; les cadets ne peuvent être traités plus durement que les aînés.

J’ai dû à M. d’Alembert et à M. Diderot la politesse que j’ai eue pour eux. Il n’était pas juste que mon nom parût avant le leur, et il faut surtout qu’il n’y paraisse point. Ceux qui travaillent à deux ou trois volumes de Questions sur l’Encyclopédie croient vous rendre un très-grand service. Ils donnent les plus grands éloges a la première édition, ils annoncent la seconde : ils espèrent décréditer un peu les contrefaçons, et ils s’amusent.

Je n’ai point vu mon ami Cramer. Tout est en combustion dans Genève, tout est sous les armes ; on a assassiné sept ou huit personnes juridiquement dans les rues, dans les maisons ; un vieillard de quatre-vingts ans a été tué en robe de chambre ; une femme grosse, bourrée à coups de crosse de fusil, est mourante ; une autre est morte. Cramer commande la garde. Il faut espérer que son magasin ne sera pas brûlé. Le diable est partout. J’espère que je l’exorciserai, en qualité de capucin : car il faut que vous sachiez que je suis agrégé à l’ordre des capucins par notre général Amatus d’Alamballa, résidant à Rome, qui m’a envoyé mes lettres patentes. C’est une obligation que j’ai à saint Cucufin, et j’en sens tout le prix. Je prie Dieu pour vous. Recevez ma bénédiction.

Fr. François V., capucin indigne

  1. Les volumes de l’Encyclopédie détenus a la Bastille. (K.)