Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7765

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 543).
7765. — À M. THIERIOT.
26 janvier.

Mon ancien et oublieux ami, je crois que vous vous êtes coupé la gorge et la bourse en laissant répandre un faux bruit que j’ai quelque part à cette pièce[1] que vous m’avez envoyée, laquelle est, dites-vous, de l’abbé de Châteauneuf et de Raymond le Grec. Vous sentez bien que si on se borne à s’ennuyer aux ouvrages des morts, on se plaît fort à siffler ceux qui sont attribués aux vivants : mais il y a remède à tout. Je sais que vous avez une copie très-informe de cette comédie. Je sais, à n’en pouvoir douter, qu’il y en a une beaucoup plus ample et beaucoup plus correcte entre les mains de M. d’Argental. C’est sur celle-là qu’il faudrait vous régler. La copie que vous m’avez envoyée n’aurait certainement pas passé à la police. Plus le monde est devenu philosophe, plus cette police est délicate : les mots de dévotion seraient d’autant plus mal reçus que la dévotion est plus méprisée ; mais on m’assure que ce qui pourrait trop alarmer est très-sagement déguisé dans l’exemplaire de M. d’Argental. Informez-vous-en : faites comme nous pourrez.

Si vous voyez M. Diderot, faites mes compliments à ce digne soutien de la philosophie, à cet immortel vainqueur du fanatisme.

  1. Le Dépositaire.