Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7641

7641. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
À Ferney, 21 auguste.

Mon héros souffrira-t-il qu’on donne de vieille musique à une jeune princesse[2] ? Je lui répète et je l’assure que l’opéra de M. de La Borde est rempli de morceaux charmants, qui tiennent de l’italien autant que du français.

Qui favorisera un premier valet de chambre du roi, si ce n’est un premier gentilhomme de la chambre ? L’amie[3] de mon héros ne doit-elle pas s’intéresser à faire donner une belle fête ? Cela ne lui fera-t-il pas honneur ? Je crois qu’elle n’a qu’à témoigner sa volonté. Je ne doute pas que M. le duc d’Aumont ne se fasse un plaisir de lui donner l’opéra qu’elle demandera. Si j’osais répondre de quelque chose, ce serait du succès de cette musique. En vérité, il est honteux de donner du réchauffé à une dauphine. Vous avez soutenu la gloire de la nation dans des occasions un peu plus sérieuses, et vous ne l’abandonnerez pas quand il s’agit de plaisirs. Il ne vous en coûtera que trois ou quatre paroles, et à votre amie autant.

Ne rejetez pas la prière du plus ancien, du plus tendre et du plus respectueux de vos courtisans. Tout mourant qu’il est, il s’intéresse fort aux plaisirs des vivants ; mais il vous est encore plus attaché qu’à tous les plaisirs de la cour.

Il vous supplie, monseigneur, d’agréer son profond respect.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Marie-Antoinette.
  3. La Du Barry.