Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7612

Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 397-398).
7612. — À M. LE PRINCE DE LIGNE[1].
Ferney, 28 juillet.

Un vieux malade, un homme devenu absolument inutile au monde et à lui-même, se met aux pieds de M. le prince de Ligne, et lui demande pardon d’avoir été deux mois entiers dans un état si triste qu’il lui a été absolument impossible d’écrire.

Je sais, par mes yeux et par mes oreilles, monsieur le prince, combien vous êtes aimable ; je sais, par les yeux et par les oreilles d’autrui, que Mlle Dubois est grande, belle et bien faite, et qu’elle a une voix charmante. Je sais encore quels ordres vous m’avez donnés pour elle ; mais je n’ai pas plus de crédit dans le tripot, dont elle a l’honneur d’être, que le roi de Pologne n’en a sur les confédérés de Podolie. Bien en prend à Mlle Dubois d’avoir d’autres talents que ceux du théâtre.

Ce malheureux Théâtre-Français est absolument tombé ; mais le temple de l’Amour, dont Mlle Duhois est première prêtresse, ne tombera jamais. L’Opéra-Comique est actuellement le seul spectacle à la mode.

Il y a une tragédie nouvelle intitulée les Guèbres, et qui pourrait être intitulée l’Inquisition ; elle ne sera probablement jamais jouée. Elle est pourtant extrêmement honnête ; il y a surtout une dernière scène que je vous invite à lire. Agréez, monsieur le prince, mon très-tendre respect, et pardonnez au pauvre vieillard V.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.