Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7067

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 429-430).
7067. — À M. COLINI.
À Ferney, 11 novembre.

Mon cher ami, oublierez-vous toujours que j’ai soixante-quatorze ans, que je ne sors presque plus de ma chambre ? Il s’en faut peu que je ne sois entièrement sourd et mort. Vous m’écrivez comme si j’avais votre jeunesse et votre santé. Soyez très-sûr que si je les avais, je serais à Manheim ou à Schwetzingen.

Il y aura toujours un peu de nuage sur la lettre amère de l’électeur au maréchal de Turenne : le fait, entre nous, n’est pas trop intéressant, puisqu’il n’a rien produit. C’est un pays en cendres qui est intéressant. Il importe peu au genre humain que Charles-Louis ait défié Maurice de La Tour ; mais il importe qu’on ne fasse pas une guerre de barbares.

Gatien de Courtilz, caché sous le nom de Du Buisson, avait déjà été convaincu de mensonges imprimés par l’illustre Bayle, avant que le marquis de Beauvau eût écrit. Il est donc très-vraisemblable que le marquis de Beauvau n’eût point parlé du cartel, s’il n’avait eu que Gatien de Courtilz pour garant. Bayle, qui reproche tant d’erreurs à ce Courtilz Du Buisson, ne lui reproche rien sur le cartel. Il faut donc douter, mon cher ami : de las cosas mas seguras, la mas segura es dudar. Mais ne doutez jamais de mon estime et de ma tendre amitié pour vous.

Mme Denis vous en dit autant.