Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6531

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 459-460).

6531. — À MADEMOISELLE CLAIRON[1].
8 octobre.

On ne peut certainement entendre qu’un homme fasse mieux une chose que ceux qui ne la font pas. On ne peut entendre qu’une pièce soit mieux représentée par ceux qui y jouent que par ceux qui n’y jouent pas. On doit encore moins entendre que des personnes du monde, qui jouent la comédie pour leur plaisir, aient des talents supérieurs à ceux des plus grands acteurs de Paris.

Ce qu’il faut encore moins entendre, c’est qu’on ait prétendu comparer personne à Mlle  Clairon.

Ce qu’il faut surtout entendre, et ce qui est d’une vérité incontestable, c’est qu’on a pour Mlle  Clairon tous les sentiments qu’elle mérite et qu’on ne démentira jamais. Le pauvre vieillard lui sera toujours attaché avec des sentiments aussi vifs que s’il était jeune ; il admirera ses talents, et il admirera encore la force qu’elle eut d’en priver[2] un public ingrat ; il aimera sa personne jusqu’au dernier moment de sa vie.

  1. Cette lettre a été publiée pour la première fois dans le Supplément au recueil des Lettres de M. de Voltaire (1808, deux volumes in-8o ou in-12), comme adressée à Mlle  Clairon. Elle porte l’adresse de Thibouville dans l’édition des Œuvres de Voltaire en douze volumes in-8o. Beuchot lui a conservé l’adresse à Mlle  Clairon, et l’a placée au 8 octobre 1760 ; mais elle ne peut être que de 1766. Il est à croire que cette actrice n’avait pas été flattée de la comparaison que Voltaire établissait parfois entre elle et Mme  Denis, sa nièce.
  2. Voyez les lettres à Mlle  Clairon du 15 avril 1766, à d’Argental du 18 avril 1766, à Damilaville du 23 avril 1766.