Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6531
On ne peut certainement entendre qu’un homme fasse mieux une chose que ceux qui ne la font pas. On ne peut entendre qu’une pièce soit mieux représentée par ceux qui y jouent que par ceux qui n’y jouent pas. On doit encore moins entendre que des personnes du monde, qui jouent la comédie pour leur plaisir, aient des talents supérieurs à ceux des plus grands acteurs de Paris.
Ce qu’il faut encore moins entendre, c’est qu’on ait prétendu comparer personne à Mlle Clairon.
Ce qu’il faut surtout entendre, et ce qui est d’une vérité incontestable, c’est qu’on a pour Mlle Clairon tous les sentiments qu’elle mérite et qu’on ne démentira jamais. Le pauvre vieillard lui sera toujours attaché avec des sentiments aussi vifs que s’il était jeune ; il admirera ses talents, et il admirera encore la force qu’elle eut d’en priver[2] un public ingrat ; il aimera sa personne jusqu’au dernier moment de sa vie.
- ↑ Cette lettre a été publiée pour la première fois dans le Supplément au recueil des Lettres de M. de Voltaire (1808, deux volumes in-8o ou in-12), comme adressée à Mlle Clairon. Elle porte l’adresse de Thibouville dans l’édition des Œuvres de Voltaire en douze volumes in-8o. Beuchot lui a conservé l’adresse à Mlle Clairon, et l’a placée au 8 octobre 1760 ; mais elle ne peut être que de 1766. Il est à croire que cette actrice n’avait pas été flattée de la comparaison que Voltaire établissait parfois entre elle et Mme Denis, sa nièce.
- ↑ Voyez les lettres à Mlle Clairon du 15 avril 1766, à d’Argental du 18 avril 1766, à Damilaville du 23 avril 1766.