Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6483

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 409).

6483. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
1er septembre.

Comptez, monsieur, que mon cœur est pénétré de vos bontés. Je ne savais pas que ce fût vous qui m’aviez envoyé un factum qui m’a paru admirable. Le petit mot qui l’accompagnait m’avait paru être de la main de M. Damilaville. Pardonnez à la faiblesse de mes yeux ; mes organes ne valent rien, mais mon cœur a la sensibilité d’un jeune homme. Il a été touché de quelques aventures funestes, mais ma sensibilité n’est point indiscrète. Il y a des pays et des occasions où il faut savoir garder le silence. Mon cœur ne s’ouvre que sur les sentiments de la reconnaissance et de l’amitié qu’il vous doit. Je ne souhaite plus que de vous revoir encore ; et si je peux l’espérer, je me tiendrai très-heureux.

J’ai appris de M. le duc de La Vallière qu’il prenait la maison de Jansen ; ce qui est sûr, c’est qu’il l’embellira, et que ceux qui y souperont avec lui passeront des moments bien agréables. Oserais-je vous supplier, monsieur, de vouloir bien faire souvenir de moi M. le duc de La Vallière et M. le prince de Beauvau, si vous les voyez ? Je me souviens que M. le duc d’Ayen m’honorait autrefois de ses bontés. Vous serez mon protecteur dans toutes les compagnies des gardes. J’ai connu autrefois des gardes du corps qui faisaient des tragédies ; mais je les crois plus brillants encore en campagne qu’au Parnasse. Je suis obligé de finir trop vite ma lettre, le courrier part dans ce moment.

Je vous suis attaché pour ma vie.