Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6421

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 354-355).

6421. — À MADAME LA LANDGRAVE DE HESSE[1].
Ferney, 22 juillet 1766.

Madame, M.  Grimm, qui est attaché à Votre Altesse sérénissime, enhardit ma timidité ; il me mande que je puis sans crainte m’adresser à elle et implorer ses bontés en faveur d’une famille aussi infortunée que celle de Calas. Je sais, madame, que vous protégez la raison contre la tyrannie de la superstition. Le fanatisme déshonore encore la nation française ; c’est à l’Allemagne à lui donner des leçons et des exemples. Votre Altesse a donné déjà l’exemple de la compassion et de la générosité : les Calas publient ses bienfaits, et tous les sages vous applaudissent. Ceux qui ont entrepris la défense des Sirven seront bien honorés s’ils peuvent, madame, compter votre nom respectable au premier rang de ceux qui encouragent leur zèle ; ce nom sera plus cher que les plus grands secours. Nous vous supplions de borner vos générosités. Si Votre Altesse daigne me faire adresser une marque de ses bontés et de sa pitié pour les Sirven, cette famille cessera d’être malheureuse. Plus le fanatisme fait d’efforts contre la nature humaine, plus celle-ci sera défendue par votre belle âme. Jamais on n’a plus persécuté la raison et la vérité en France ; la superstition emploie les supplices, et vous les bienfaits : c’est le combat des Grâces contre les monstres. Je me tiens heureux de pouvoir vous implorer.

Je suis avec le plus profond respect, madame, de Votre Altesse sérénissime le très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

  1. Briefwechsel des Grossen Landgräfin Caroline von Hessen. — Von dr Ph.-A.-F. Walther. — Wien, 1877, tome II, page 419.