Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6134


6134. — À M.  LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
12 octobre.

Vraiment, monsieur, je croyais vous avoir envoyé la lettre que vous me demandez ; la voici[1] quoiqu’elle n’en vaille pas trop la peine. Je suis toujours très-étonné que le parlement de Toulouse soit demeuré, dans cette affaire, dans une inaction qui ne peut être que honteuse. S’il croit avoir bien jugé les Calas, il doit publier la procédure, pour lâcher de se justifier ; s’il sent qu’il se soit trompé, il doit réparer son injustice, ou du moins son erreur ; il n’a fait ni l’un ni l’autre, et voilà le cas où c’est le plus infâme des partis de n’en prendre aucun.

On me mande de Languedoc que cette fatale aventure a fait beaucoup de bien à ces pauvres huguenots, et que, depuis ce temps-là, on n’a envoyé personne aux galères pour avoir prié Dieu en pleine campagne, en vers français aussi mauvais que nos psaumes latins.

Adieu, monsieur ; vous ne sauriez croire combien je suis sensible au bien que vous faites dans votre province. Mille respects à mademoiselle votre fille, qui sera bientôt madame.

  1. La lettre datée du 24 auguste, n° 6093.