Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6067
Je me hâte, monsieur, de répondre à votre lettre du 5 de juillet. Non sans doute le parlement de Toulouse ne peut rien contre l’arrêt d’un tribunal suprême, nommé par le roi pour juger en dernier ressort, et jugeant au nom du roi même. Je crois l’arrêt des maîtres des requêtes affiché actuellement dans Toulouse par un huissier de la chaine. Toute la famille Calas doit rentrer dans son bien, dans son état, dans sa renommée ; la mémoire de Jean de Calas est réhabilitée, et il ne manque à cette famille que la pardon que les huit juges fanatiques doivent lui demander à genoux, l’argent à la main. Je ne sais pas ce que fera ce parlement ; mais je sais que les lois, le conseil d’État, la France, et l’Europe entière, le condamnent. On est occupé à présent à tirer du greffe la sentence qui a condamné les Sirven ; si on y parvient, nous aurons bientôt deux grands monuments du fanatisme de province et de l’équité de Versailles.
L’impératrice de Russie a écrit une lettre charmante[1], pleine de raison et d’esprit, au neveu de l’abbé Bazin. On pense dans le Nord comme auprès d’Angoulême.
La nièce a pour vous, monsieur, les mêmes sentiments que moi. Continuez à aimer le bien et à le faire.
Vous savez que ce n’est point à moi d’écrire la lettre que vous voulez bien demander, puisque je n’ai point vu la sottise à laquelle vous croyez qu’il faut répondre : on ne peut écrire au hasard. Je ne peux rien ajouter à ce que j’ai eu l’honneur de vous mander à ce sujet[2].
Adieu, monsieur ; permettez-moi de vous embrasser très-tendrement.