Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6056

6056. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.

L’impératrice de Russie est très-obligée au neveu de l’abbé Bazin de ce qu’il a bien voulu lui dédier l’ouvrage[1] de son oncle, qui assurément n’a rien de commun avec Abraham Chaumeix, maître d’école à Moscou, où il enseigne l’a b c aux petits enfants. Elle a lu ce beau livre d’un bout à l’autre avec beaucoup de plaisir, et ne s’est point trouvée supérieure à ce qu’elle a lu, parce qu’elle fait partie de ce genre humain si enclin à goûter les absurdités les plus étranges ; elle est persuadée que ce livre ne manquera pas d’en éprouver sa part, et qu’à Paris il sera infailliblement livré au feu, au pied d’un grand escalier : ce qui lui donnera un lustre de plus.

Comme le neveu de l’abbé Bazin a gardé un profond silence sur le lieu de sa résidence, on a adressé cette réponse à M. de Voltaire, si connu pour protéger et favoriser les jeunes gens dont les talents font espérer qu’ils seront un jour utiles au genre humain. Cet illustre auteur est prié de faire parvenir ce peu de lignes à sa destination ; et si par hasard il ne connaissait point ce neveu de l’abbé Bazin, on est persuadé qu’il excusera celle démarche en faveur du mérite éclatant de ce jeune homme.


Catherine.

  1. La première édition de la Philosophie de l’Histoire, que l’auteur a fait servir depuis d’introduction à l’Essai sur les Mœurs, etc. (K.) — Voyez cette Dédicace, tome XI, page viii.