Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6018

Correspondance de Voltaire/1765
Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 556-557).

6018. — À M. LE MARQUIS DE VILLETTE.
15 mai[1].

Vous savez penser comme écrire :
Les Grâces avec la Raison
Vous ont confié leur empire ;
L’infâme Superstition
Sous vos traits délicats expire.
Ainsi l’immortel Apollon
Charme l’Olympe de sa lyre,
Tandis que les flèches qu’il tire
Écrasent le serpent Python.
Il est dieu quand par son courage
Ce monstre affreux est terrassé ;
Il l’est quand son brillant visage
Rallume le jour éclipsé ;
Mais entre les genoux d’Issé
Je le crois dieu bien davantage.

Moins le hibou de Ferney, monsieur, mérite vos jolis vers, plus il vous en doit de remerciements. Il s’intéresse vivement à vous ; il connaît tout ce que vous valez.


Les erreurs et les passions
De vos beaux ans sont l’apanage ;
Sous cet amas d’illusions
Vous renfermez l’âme d’un sage.


Je vous retiens pour un des soutiens de la philosophie, je vous en avertis : vous serez détrompé de tout ; vous serez un des nôtres.


Plein d’esprit, doux, et sociable,
Ce n’est pas assez, croyez-moi ;
C’est pour autrui qu’on est aimable ;
Mais il faut être heureux pour soi.


Nous avons une cellule nouvelle, et nous en bâtissons une autre ; vous savez combien vous êtes aimé dans notre couvent.

  1. C’est par erreur qu’on a toujours classé cette lettre au 15 mars 1765. À cette époque, Villette était à Ferney.