Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5991


5991. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
Ferney, 19 avril.

Que diront donc, mon cher marquis, les ennemis de la raison et de l’humanité, quand ils apprendront que le roi a daigné donner trente-six mille livres à la famille Calas, avec la permission de prendre à partie les homicides qui ont fait rouer un innocent ? Il faut à présent que le fanatisme rougisse, se repente, et se taise. Au reste, l’arbre qui a porté dans tous les temps de si détestables fruits doit être jeté au feu par tous les honnêtes gens.

Ce qui vous surprendra, c’est qu’il y a une affaire à peu près semblable à celle des Calas sur le tapis. Tâchez, si vous avez quelque correspondant à Paris, d’avoir une lettre imprimée de M. de Voltaire à M. Damilaville : elle pourra vous étonner et vous attendrir. Bénissons le ciel, qui permet que la raison s’étende de tout côté chez les Welches : ce siècle sera le tombeau du fanatisme.

Pardonnez si je vous écris des lettres si courtes ; mais j’en suis si accablé que cela prend tout mon temps.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.