Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5922

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 465-466).

5922. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, ce 24 février.

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Extrait de la lettre de Luc du 1er janvier[1], arrivée à Ferney le 19, à cause des détours :

« Détrompé dès longtemps des charlataneries qui séduisent les hommes, je range le théologien, l’astrologue, l’adepte, et le médecin, dans la même catégorie. J’ai des infirmités et des maladies : je me guéris moi-même par le régime et la patience… Dès que je suis malade, je me mets à un régime rigoureux, et jusqu’ici je m’en suis bien trouvé… Quoique je ne jouisse pas d’une santé bien ferme…, cependant je vis ; et je ne suis pas du sentiment que notre existence vaille qu’on se donne la peine de la prolonger. »

Voilà les propres mots qui font soupçonner, à mon avis, qu’on n’a ni santé ni gaieté. Mon divin ange, j’ai encore moins de santé, mais je suis aussi gai qu’homme de ma sorte. Je n’ai actuellement que la moitié d’un œil, et vous voyez que j’écris lisiblement.

Je soupçonne avec vous que le tyran du tripot a contre vous quelque rancune. Qui n’est pas du tripot ? N’y a-t-il pas un fou de Bordeaux, nommé Vergy[2], qui aurait pu vous faire quelque tracasserie ? Ce monde est hérissé d’anicroches. Jean-Jacques Rousseau est aussi fou que les d’Éon et les Vergy, mais il est plus dangereux.

Voulez-vous bien, mon divin ange, présenter à M. le duc de Praslin mes tendres et respectueux sentiments du passe-port qu’il veut bien accorder au vieux Moultou et à sa famille pour aller montrer sa vessie à Montpellier ?

Je me flatte que mon autre ange, Mme  d’Argental, tousse moins.

  1. Lettre 5865.
  2. Voyez la lettre 5912.