Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5898

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 449).

5898. — À M.  LEKAIN[1].
28 janvier.

Mon cher grand acteur, je suis bien paresseux ; mais je songe toujours à vous. J’ai parlé à notre ex-jésuite ; je l’ai trouvé malade et un peu dégoûté des vanités de ce monde. Il vous rendra dans quelque temps des réponses plus positives. Il vous aimera toujours bien tendrement ; voilà ce qui est très-certain. Il voit avec douleur Melpomène abandonnée pour la Foire. Il dit que les jours de la décadence sont arrivés. Il prétend qu’à moins de quelque prodige, qu’il n’est pas permis d’attendre, votre théâtre restera désert. Pour moi, j’ai détruit[2] celui où vous avez joué si bien Tancrède avec Mme  Denis. Je me suis réduit à la vie philosophique ; les plaisirs bruyants ne sont plus faits pour moi. Vous penserez de même quand vous aurez mon âge.

Adieu, je vous embrasse ; je vous souhaite un autre siècle, d’autres auteurs, d’autres acteurs, et d’autres spectateurs.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. voyez le dernier alinéa de la lettre 5888.