Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5864

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 420-421).
5864. — À M.  BERTRAND.
À Ferney, 1er janvier 1765.

Mon cher philosophe, je vous assure que je ne prends aucun intérêt au livre[1] dont vous me parlez. Je cultive mes champs, et je m’embarrasse fort peu de ce qu’on écrit et de ce qu’on fait ailleurs. Je suis assez embarrassé de mes affaires sérieuses, et je n’ai guère le temps de me mêler des petits amusements dont vous me faites part. Tout ce que je sais bien certainement, c’est que le livre en question est de plusieurs mains. Il y a plus de deux mois que le hasard a fait tomber entre les miennes quelques manuscrits de l’ouvrage.

Un de ces articles est écrit de la propre main d’un des premiers pasteurs de votre religion réformée, ou prétendue réformée. Tout cela vous regarde, et non pas moi : je ne suis qu’un pauvre cultivateur qui vous aime tendrement, et qui ne dispute jamais. Quand vous serez Turc, je chanterai Allah ! avec vous ; quand vous serez païen, je sacrifierai avec vous aux Muses : tous les hommes sont frères, et les meilleurs frères sont ceux qui cultivent les lettres.

Je suis très-fraternellement à vous pour ma vie.

  1. Le Dictionnaire philosophique.