Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5582

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 148-149).

5582. — À MADAME D’ÉPINAI.
À Ferney, 2 mars.

En vous remerciant, madame, de la bonté que vous avez d’informer des gens de l’autre monde du bel établissement que vous faites dans celui-ci[1]. Vous serez toujours ma belle philosophe, quand même vous m’auriez oublié. Je me mets aux pieds de madame votre fille, à condition qu’elle sera philosophe aussi.

Savez-vous bien que je suis quelquefois en commerce de lettres[2] avec monsieur votre fils ? Mais je lui demande pardon de n’avoir pas répondu à sa dernière lettre ; j’étais extrêmement malade. Je ne sors presque plus du coin de mon feu ; tout s’affaiblit chez moi, hors mon respectueux attachement pour vous. La tranquillité dont je jouis est la seule chose qui me fasse vivre. Je crois, madame, que vous avez mieux que la tranquillité ; vous devez jouir de tout le bonheur que vous méritez ; vous faites celui de vos amis, il faut bien qu’il vous en revienne quelque chose. Si avec cela vous avez de la santé, il ne vous manque rien. Pardonnez-moi, s’il vous plaît, de ne vous pas écrire de ma main : je deviens un peu aveugle ; mais on dit que quand il n’y aura plus de neige sur nos montagnes, j’aurai la vue du monde la plus nette. Je ne veux pas vous excéder par une longue lettre ; vous êtes peut-être occupée actuellement à coiffer la mariée. Je présente mes très-humbles respects à la mère et à la fille.

  1. Mme  d’Épinai mariait sa fille.
  2. Elles sont perdue.