Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5577

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 141-142).

5577. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
29 février.

Voici ce que je dis d’abord à mes anges sur leur lettre du 23 de février : je les remercie du fond de mon cœur de toutes leurs bontés ; je leur envoie une lettre de monsieur le premier président de Dijon, qui fera connaître à M. le duc de Praslin qu’il peut, en toute sûreté, protéger les mécréants contre les prêtres.

J’ajoute, à propos de la Gazette littéraire, que je pourrai rendre de plus prompts services en italien qu’en anglais, quand les choses seront en train. La raison en est que les Alpes sont plus près de l’Italie que de l’Angleterre. Mais il me semble que je ne dois établir aucune correspondance, ni faire venir les livres nouveaux d’Italie, sans un ordre exprès de M. le duc de Praslin. Je le servirai tant que l’âme me battra dans le corps, et que j’aurai un reste de visière ; et quand je serai aveugle tout à fait, je dirai : Buona notte.

Mes anges, que servirait de vivre est fort bien ; mais trouvez-moi une rime à ivre.

Pour Olympie, il y a du malheur, il y a de la fatalité dans mon fait. Je suis avec elle comme M. de Ximenès avec Mlle  Clairon : vous savez qu’en trois rendez-vous il perdit partie, revanche, et le tout[1]. Il arrive a mon imagination le même désastre qu’essuya sa tendresse. Mais j’aime bien les roués ! Je suis fâché à présent de n’avoir pas joué un tour : c’était de faire attendre des changements pour Pâques, et, en attendant, on aurait pu donner les roués ; mais n’en parlons plus ; il faut se soumettre à sa destinée.

Il y a du malheur cette année sur les tragédies, et vous m’en avez envoyé une preuve.

Vous avez dû recevoir force rogatons ; j’y joins une lettre[2] ostensible que je vous écris pour être montrée à M. le duc de Duras ; je crois que cela vaut mieux que de lui écrire en droiture.

Respect et tendresse à mes anges.

  1. Voyez lettre 2475, tome XXXVII, page 533.
  2. Elle est perdue. (B.)