Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5572

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 137-138).
5372. — À M.  GUYTON DE MORVEAU[1].
Au château de Ferney, 23 février.

Je vous remercie, monsieur, et je vous félicite de votre Plan d’Ètudes. Il semble qu’autrefois les collèges n’étaient institués que pour faire des grimauds ; vous ferez des gens de mérite. On n’apprenait que ce qu’il fallait oublier, et, par votre méthode, on apprendra ce qu’il faudra retenir le reste de sa vie. La vraie philosophie prendra la place des sophismes ridicules, et la physique n’en sera que meilleure, en s’appuyant sur les expériences et sur les mathématiques plus que sur les systèmes. Newton a calculé le pouvoir de la gravitation, mais il n’a pas prétendu deviner ce que c’est que ce pouvoir. Descartes devinait tout : aussi n’a-t-il rien prouvé. Locke s’est contenté de montrer la marche et les bornes de l’entendement humain : malheur à ceux qui voudraient aller plus loin !

Votre plan, monsieur, est un service rendu à la patrie. Il faut espérer que les Français feront enfin de bonnes études, et qu’on y connaîtra même le droit public, qui n’y a jamais été enseigné. Je souhaite que tous ces secours forment de nouveaux génies. Je suis près de finir ma carrière ; mais je me console par l’espérance que la génération nouvelle vaudra mieux que celle que j’ai vue. J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,
gentilhomme ordinaire du roi.

  1. Beuchot, qui a publié cette lettre (n° 4050), lui donne une fausse adresse. Elle n’a pas été écrite au professeur Robert, mais à M. Guyton de Morveau, alors avocat général au parlement de Dijon, qui venait de publier un Mémoire sur l’éducation.