Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5542
Mes anges trouveront ici un mémoire[1] qu’ils sont suppliés de vouloir bien donner à M. le duc de Praslin. On dit qu’ils sont extrêmement contents du nouveau mémoire[2] de Mariette en faveur des Calas. Je crois que leur affaire sera finie avant celle des dîmes de Ferney. Melpomène, Clio, et Thalie, c’est-à-dire les tragédies, l’histoire, et les contes, n’empêchent pas qu’on ne songe à ses dîmes, attendu qu’un homme de lettres ne doit pas être un sot qui abandonne ses affaires pour barbouiller des choses inutiles.
Je sais la substance du mandement de votre archevêque ; mais je vous avoue que je voudrais bien en avoir le texte sacré. On dit que l’exécuteur des hautes œuvres de messieurs a brûlé la Pastorale de monseigneur. Si monsieur l’exécuteur a lu autant de livres qu’il en a brûlé, il doit être un des plus savants hommes du royaume[3].
Mons du Puy-en-Velay n’a pas les mêmes honneurs : il voudrait bien être lu, dût-il être brûlé. L’historiographe des singes aura beau jeu quand il écrira l’histoire du temps.
Je suppose que mes anges ont reçu mes deux derniers mémoires envoyés à M. de Courteilles. Je cours toujours après mon cinquième acte et après mon conte, et je vois que les enfers ne rendent rien.
J’ai reçu une lettre de M. de Thibouville. Lekain m’a écrit aussi, et je suis fâché qu’il soit dans le secret de la conspiration.
Je ne réponds à personne, je n’envoie rien ; mes raisons sont qu’on joue Castor et Pollux[4] ; qu’on va jouer Idoménée[5] ; qu’on est fou de l’Opéra-Comique ; qu’il faut du temps pour tout, et que j’attends les ordres de mes anges, me prosternant sous leurs ailes.