Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5130

Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 329).

5130. — POUR MADAME CALAS[1].

Il faut calmer les alarmes de Mme Calas. L’article de la procession abominable dans laquelle on se vante à Dieu tous les ans d’avoir égorgé, il y a deux siècles, quatre mille de ses concitoyens, est une chose qu’il faudrait graver en lettres d’or à toutes les portes des églises de Toulouse[2].

Cet article peut déplaire aux bedeaux et aux moines, et même aux marchands de cire qui vendent des cierges pour cette procession, mais tous les honnêtes gens de Paris en sont très-contents. Cette procession doit révolter l’esprit des juges. Il est d’ailleurs très-essentiel à la cause de faire voir l’excès du fanatisme qui règne dans la ville des jeux floraux, et de montrer que c’est ce fanatisme qui s’est emparé de la tête des huit juges qui ont rendu cet arrêt infernal.

Mme Calas doit s’apercevoir qu’on ne pense point du tout dans la capitale de la France comme dans celle des Visigoths.

Louis Calas ne sait ce qu’il dit ; il peut aller à la procession tant qu’il voudra, mais je pense que cette cérémonie d’Iroquois ne subsistera pas encore longtemps.

On peut envoyer à Mme Calas ce petit billet d’édification, qui est d’un bon catholique romain.

  1. Éditeur, A. Coquerel. — Copie d’une lettre de Voltaire, du 9 janvier 1763.
  2. Mme Calas parait s’être effrayée de ce que ses défenseurs attiraient sur sa cause toute la haine du clergé et de ses partisans en y mêlant la mention de cette horrible fête. (Note du premier éditeur.)