Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4767

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 544-545).

4767. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
2 décembre.

Divins anges, si vous êtes si difficiles, je le suis aussi. Voyez, s’il vous plaît, combien il est malaisé de faire un ouvrage parfait. Si ces notes sur Héraclius ne vous ennuient point, lisez-les, et vous verrez que j’ai passé sous silence plus de deux cents fautes. Mme  du Châtelet avait de l’esprit, et l’esprit juste : je lui lus un jour cet Héraclius ; elle y trouva quatre vers dignes de Corneille, et crut que le reste était de l’abbé Pellegrin, avant que cet abbé fût venu à Paris[1]. Voulez-vous ensuite avoir la bonté de donner mes remarques à Duclos ? Je suis bien aise de voir comment l’Académie pense ou feint de penser. Je sais bien que c’est avec une extrême circonspection que je dois dire la vérité ; mais enfin je serai obligé de la dire. Je serai poli ; c’est, je crois, tout ce qu’on peut exiger.

Vous avez sans doute plus de droit sur moi, mes anges, que je n’en ai sur Corneille. Il ne peut plus profiter de mes critiques, et je peux tirer un grand avantage des vôtres.

Plus je rêve à Olympie, plus il m’est impossible de lui donner un autre caractère. Elle n’a pas quinze ans ; il ne faut pas la faire parler comme sa mère. Elle me paraît, au cinquième acte, fort au-dessus de son âge.

Ces initiés, ces expiations, cette religieuse, ces combats, ce bûcher ; en vérité, il y a là du neuf. Vous ne voulez pas jouer Cassandre, eh bien ! nous allons le jouer, nous.

Nous baisons le bout de vos ailes.

  1. Un jugement tout contraire est exprimé, ainsi que nous l’avons déjà dit (tome XXXII, page 68, note 3), dans les lettres de Mme  du Châtelet.