Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4761

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 539-540).

4761. — À M. FYOT DE LA MARCHE[1].
(fils).
À Ferney, 25 novembre 1761.

Monsieur, qui ? moi, n’en pas passer par ce que vous daigneriez ordonner ! Ah ! mon blanc-seing est ma réponse. Je suis confus et reconnaissant, mais je ne suis point étonné. Je ne le suis, monsieur, que des procédés de M. de Brosses, dont je n’avais vu d’exemple ni dans les terres australes, ni chez les fétiches. Tout cela me paraissait anti-président et anti-littéraire. M. Fargès oy Fargesse, le maître des requêtes, qui est à peu près son oncle et qui a passé chez moi, a paru très-émerveillé de cette affaire, et a bien promis d’interposer son autorité d’oncle, attendu qu’il est d’une ligne plus haut que son neveu. Mais, monsieur, je compte encore plus sur l’autorité de votre raison et de votre vertu.

Que M. de Brosses me permette de me laisser vivre et mourir gaiement, c’est tout ce que je lui demande. Il m’a fait cent anicroches. Il s’est brouillé avec le conseil, pour un demi-arpent dont la justice appartient évidemment au roi, et qu’il a voulu avoir à mes dépens. Ce n’est pas de cette façon qu’il sera premier président de Besançon. Enfin qu’il oublie toutes ces misères, indignes de sa place. Il m’a vendu cher ses coquilles. C’est bien assez. Il a mon argent, et je lui demande son amitié pour le vin du marché.

J’ai bien peur, après l’œuvre des six jours, de dire aussi pœnituit fecisse. Mais si j’avais votre suffrage, je ne me repentirais assurément pas.

Je suis avec un profond respect et une vive reconnaissance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, H. Beaune.