Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4646

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 415).

4646. — À M. LE BRUN.
20 auguste.

Je suis affligé, monsieur, pour monseigneur le prince de Conti et pour tous, qu’il soit le seul de tous les princes qui refuse de voir son nom parmi ceux qui favorisent le sang du grand Corneille. Je serais encore plus fâché si ce refus était la suite de la malheureuse querelle avec l’infâme Fréron. Vous m’aviez écrit que je pouvais compter sur Son Altesse sérénissime ; il est dur d’être détrompé. L’ouvrage mérite par lui-même la protection de tous ceux qui sont à la tête de la nation ; Mlle Corneille la mérite encore plus. Je saurai bien venir à bout de cette entreprise honorable sans le secours de personne ; mais j’aurais voulu, pour l’honneur de mon pays, être plus encouragé, d’autant plus que c’est presque le seul honneur qui nous reste. L’infamie dont les Fréron et quelques autres couvrent la littérature exige que tout concoure à relever ce qu’ils déshonorent. Secondez-moi, au nom des Horaces et de Cinna.

Votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.