Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4584

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 336).
4584. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].

Vos vers sont charmants, mon cher ami ; vous n’en avez jamais fait de si jolis. Je ne m’occupe plus à présent que des vers des autres. Me voici enfoncé dans ceux de Corneille : j’entreprends, avec l’agrément de l’Académie, une magnifique édition de ses pièces de théâtre, avec des remarques sur la langue et sur l’art qu’il a créé. Je fais établir une souscription : le produit sera pour M. Corneille et pour sa fille, qui n’ont d’autre bien que le nom de Corneille. Le prix de chaque exemplaire, orné de trois belles vignettes, ne sera que de quarante livres, et on ne payera qu’en recevant le livre. Je souscris moi-même pour six exemplaires. Presque tous les académiciens en font autant. Nous nous flattons que le roi permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs.

Ne pourriez-vous me dire, vous qui êtes du pays, comment on s’y prend auprès de M. de La Vauguyon, pour obtenir de monsieur le dauphin une action généreuse ? Je crois la chose très-aisée ; mais je suis absolument inconnu à M. de La Vauguyon. Si vous connaissez quelque belle âme qui veuille pour quarante livres, et même pour quatre-vingts, se mettre au rang des bienfaiteurs du sang de Corneille, et voir son nom imprimé avec celui du roi, comme lorsqu’on a vendu sa vaisselle, nommez-moi ce noble personnage.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — C’est à tort qu’ils avaient daté ce billet de février. (G. A.)