Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4451

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 194-195).

4451. — À M. FABRY[1].
Aux Délices, 5 février.

Monsieur, si le vent est moins violent dimanche, je vous prie à dîner à deux heures précises ; nous viendrons à Ferney exprès pour vous. Vous ne devez pas douter de mon amitié, et je compte sur la vôtre. L’affaire du marais sera très-aisée à arranger. Elle est très-importante. Mon malheureux parent[2], qui est paralytique depuis un an, ne l’est que pour être allé à la chasse auprès de ce marais pernicieux. On a enterré, il y a un mois, à Ferney, un jeune homme que la même cause avait réduit au même état ; un de mes gens a été grièvement malade ; tous les bestiaux qui paissent auprès de ce lieu infecté sont d’une maigreur affreuse. Vous savez que le village de Magny est désert ; ce marais fait tous les jours des progrès, et s’étend jusque dans mes terres. La négligence impardonnable des habitants et des seigneurs des environs mettra enfin la contagion dans une province déjà assez malheureuse. J’en ai rendu compte à monsieur le contrôleur général, et au premier médecin du roi, qui a trouvé la chose très-sérieuse. Je vous ai demandé, monsieur, pour commissaire dans cette partie. Je suis très-persuadé que vous vous joindrez à nous avec tout le zèle que vous avez pour le bien public. Quelque parti qu’on prenne, je serai très-content, pourvu que le marais soit desséché au printemps. Tout doit être sacrifié au bien du pays, et tout le sera sans doute, puisque vous avez la bonté d’entrer dans cette opération absolument nécessaire.

Nous vous présentons, Mme Denis et moi, nos très-humbles obéissances. Soyez persuadé, monsieur, que c’est avec les sentiments les plus vrais, et l’attachement le plus sincère, que je serai toute ma vie votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Daumart.