Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4259

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 539-540).

4259. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
20 Septembre.

Madame Scaliger, vous êtes divine. Vous nous avez donc secourus dans la guerre ; vous avez payé de votre personne ; vous avez pansé les blessés, et mis les morts au quartier : c’est à vous que la dédicace devrait appartenir.

Mes divins anges, nous jouâmes hier Alzire ; nous allons rejouer Tancrède ; nous sommes à l’abri des cabales, c’est beaucoup. Nos plaisirs sont purs. M. le duc de Villars, grand connaisseur, nous encourage. Notre théâtre commence à être en réputation. Brioché n’avait pas si bien réussi chez les Suisses. Envoyez-nous donc la pièce telle qu’on la joue à Paris. Vous donnez l’Indiscret[1] ; la pièce n’est-elle pas un peu froide ?


Le comique, écrit noblement,
Fait bâiller ordinairement.


Si Tancrède avait un plein succès, il faudrait hardiment donner la Femme qui a raison : car, qu’elle ait raison ou non, elle est gaie, et la morale est bonne. Il y a beaucoup de coucherie, mais c’est tout en bien et en tout honneur.

Il faudrait que Mme de Pompadour fût une grande poule mouillée pour craindre ma fière dédicace. Pardon, divins anges, de mon laconisme. Il faut marier demain notre résident[2] de France dans mon petit château de Ferney. Nous sommes occupés à imaginer une façon nouvelle de dire la messe, et je vais répéter deux rôles, Argire et Zopire. La tête me tournera, si je n’y prends garde.

Je baise le bout de vos ailes humblement.

  1. Comédie de Voltaire ; voyez tome II. page 243.
  2. Montpéroux, à qui est adressée la lettre 3577.