Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4199

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 474-475).

4199. — À MADAME D’ÉPINAI.
24 juillet.

Si vous ne m’avez point répondu, madame, sur l’honneur que je veux que M. Diderot fasse à l’Académie, vous avez tort ; si vous m’avez écrit, votre lettre est en chemin. En attendant qu’elle m’apprenne ce que je dois penser, je pense qu’il faut absolument que M. Diderot fasse ses visites quand il en sera temps ; je pense qu’alors il faut qu’il déclare dans le public qu’il ne prétend point à la place, mais qu’il veut seulement préparer la bonne volonté des académiciens pour la première occasion. Il aura sûrement dix ou douze voix ; et ce sera un triomphe d’autant plus grand qu’il passera pour ne les avoir pas demandées ; mais il pourra fort bien les avoir toutes si, en allant voir les dévots, il les persuade de sa religion ; ils croiront l’avoir converti, et ce sera lui qui triomphera d’eux. Il est très-vraisemblable qu’il sera protégé par Mme de Pompadour. En un mot, ou il entrera, ou il se préparera l’entrée ; et, dans l’un ou dans l’autre cas, il aura le public pour lui. Je souhaite, ma belle philosophe, que vous soyez de mon avis.

Je ne vous parle point de la ridicule idée qui a passé par la tête d’un seul homme, que le chef de l’Encyclopédie était désigné dans le Pauvre Diable[1] ; cette sottise ne mérite pas qu’on y pense.

Je regarde comme un coup de partie la tentative de l’Académie. Est-il possible que tous les gens qui pensent ne se tiennent pas par la main, et qu’ils soient la victime des fripons et des sots ?

Est-il vrai, madame, qu’on a pendu vingt-deux jésuites[2] à Lisbonne ?

  1. C’était Siméon Valette, nommé au commencement de la lettre 3913.
  2. La nouvelle était fausse. — Le jésuite Malagrida paya pour les autres, le 20 septembre 1761. (Cl.)